La cristallisation joue un rôle important dans de nombreux domaines de la biologie, de la chimie et de la science des matériaux, mais les mécanismes sous-jacents qui régissent la cristallisation sont encore mal compris en raison des limites expérimentales dans l’analyse de ces systèmes complexes et en continue évolution. Pour obtenir une compréhension fondamentale des processus de cristallisation, il est essentiel d’accéder à la séquence des phases solides produites en fonction du temps, avec une résolution au niveau atomique. La rationalisation des processus de cristallisation est particulièrement pertinente pour les matériaux polymorphes. En effet, le polymorphisme peut avoir d’énormes conséquences économiques et pratiques pour les applications industrielles en pharmacie et en énergie car différents polymorphes présentent des propriétés physico-chimiques différentes. Si, d’une part, cela offre de grandes opportunités pour moduler les performances du matériau en fonction de l’application souhaitée, d’autre part, des transitions polymorphes inattendues induites par la fabrication ou le stockage peuvent compromettre l’utilisation finale du produit solide. Fait intéressant, ces transformations impliquent souvent la formation de formes métastables, qui font l’objet d’une attention croissante car elles peuvent offrir de nouvelles formes cristallines aux propriétés améliorées.
Aujourd’hui, la détection et l’analyse structurelle précise de ces formes – généralement transitoires – restent difficiles, essentiellement en raison des limitations actuelles de la résolution temporelle et spatiale de l’analyse, ce qui empêche la rationalisation (et donc le contrôle) des processus de cristallisation. Plusieurs techniques in situ, notamment de diffusion, spectroscopie et microscopie, ont été appliquées sur un grand nombre de matériaux pour essayer d’observer les changements structuraux qui ont lieu dans le milieu de cristallisation, mais des limitations persistent, que ce soit en termes de la résolution structurale ou temporelle de l’analyse. Dans ce contexte complexe, la nucléation d’un solide reste l’un des aspects les plus intéressants et les plus difficiles à comprendre. En effet, les espèces supercritiques formées aux premiers stades de la croissance du solide sont généralement nanométriques, leur concentration est très faible et elles se déplacent très rapidement. Par conséquent, il est très difficile de les identifier et ensuite suivre leur évolution dans le milieu de cristallisation.
Dans notre laboratoire, nous développons des approches en RMN du solide combinée avec la DNP pour surmonter ces limitations.
Récemment nous avons démontré que l’utilisation de la RMN PDN permet i) d’augmenter la résolution temporelle de l’analyse à quelques secondes, et ii) d’obtenir des informations structurales à l’échelle atomique des différentes phases présentes dans le milieu de cristallisation en exploitant les effets d’hyperpolarisation. Notamment, en 2019 nous avons montré pour la première fois qu’il est possible de détecter, via la RMN, la présence de clusters de pré-nucléation dans une solution sursaturée.
Collaborations
Pr. Kenneth D. M. Harris, University of Cardiff